La chronique Éco de G. Fonouni | Dépenses publiques : soutenir la demande sans freiner l’offre !

La chronique Éco de G. Fonouni | Dépenses publiques : soutenir la demande sans freiner l’offre !

Les dépenses publiques ne sont pas ce qu’elles sont, mais ce que l’État en fait. En présence d’une pression fiscale devenue trop lourde, les réduire, qui s’en plaindrait ?

Mais est-ce pour autant la garantie d’un État plus efficient et moins endetté ?


Les dépenses de l’État se composent : des dépenses de fonctionnement (rémunération des fonctionnaires), des dépenses d’investissement, des prestations sociales et des intérêts de la dette. Elles servent à produire les biens et les services publics nécessaires à notre activité et à notre bien-être.

Structurellement et conjoncturellement, elles jouent un rôle substantiel dans notre économie. Elles contribuent activement à la croissance, grâce à l’effet multiplicateur de l’investissement public. Elles stimulent la demande en période de crise, ce qui fût d’ailleurs le cas lors de la récession de 2009. Or, depuis les années 2000, leur physionomie a changé.

Les dépenses de fonctionnement et d’investissement sont restées quasi-constantes durant les vingt dernières années, alors que les prestations sociales et la charge de la dette ont fortement augmenté.
Aujourd’hui, cette hausse rend le financement des dépenses publiques de plus en plus coûteux. Il pèse sur la compétitivité des entreprises en renchérissant le coût du travail à cause de la hausse des prélèvements obligatoires. Le taux des prélèvements obligatoires qui atteint les 50 % du P.I.B., affaiblit l’offre et aggrave ainsi la montée du chômage selon les théoriciens libéraux.
En période de crise, à défaut de croissance économique du fait des politiques européennes de rigueur, on assiste à une dégradation des comptes publics liée à la fois à des dépenses publiques en augmentation et à des recettes fiscales en diminution. Or, malgré la hausse des prélèvements obligatoires, les ressources fiscales ne permettent pas de couvrir les dépenses publiques et de réduire le déficit budgétaire.

Les dépenses publiques françaises figurent parmi les plus élevées de l’Union Européenne. Elles représentent aujourd’hui 57 % du P.I.B.

Si leur réduction s’impose, elle n’est toutefois pas sans risque pour notre économie. La baisse des dépenses publiques risque de freiner la reprise économique à défaut d’un soutien durable de l’investissement qui reste encore trop faible en 2016.

Leur assainissement imposé pour réactiver la production, fait courir en outre le risque qu’il serve d’alibi pour justifier la réduction du niveau de la protection sociale et celui de la fonction publique.
En diminuant les dépenses, on réduit ainsi les déficits sans augmenter les impôts, pour compenser la baisse des cotisations sociales accordée aux entreprises. Or rien ne garantit que cette réduction des dépenses publiques accompagnée d’une baisse des impôts stimule l’offre des entreprises privées.

D’autre part, si l’État et les collectivités territoriales limitent leurs investissements et leurs projets de développement de peur de s’endetter ou d’augmenter les impôts, ce sera autant d’emplois supprimés dans de nombreux secteurs d’activité. Si l’on amoindrit la protection sociale ainsi que les prestations sociales, il en résultera une explosion des inégalités, une aggravation de la précarité et donc une extension de la pauvreté.

Cela accroîtra considérablement les déficits sociaux. Si on réduit la masse salariale de la fonction publique, il deviendra de plus en plus difficile de recruter des fonctionnaires qualifiés, bien formés et motivés. Cette modération rendra plus difficile par la suite, le développement de la qualité de nos services publics et ce d’autant plus, que les dépenses de fonctionnement sont restées constantes depuis 1980. Les usagers en seront les premiers insatisfaits.

À y regarder de près, de telles économies pourraient s’avérer à moyen terme, plus coûteuses que leurs gains escomptés à court terme.

Alors comment faire des économies tout en soutenant la demande sans pénaliser l’offre ?
Ces économies doivent être ciblées pour ne pas indisposer notre économie. Il conviendrait de dépenser davantage et mieux dans certains secteurs considérés comme prioritaires tels que l’éducation, la recherche, la santé et la sécurité. Et au contraire, il faudrait dépenser moins dans les autres secteurs publics en modernisant ou en externalisant certaines de leurs tâches.

Cette redéfinition des priorités de l’action publique devrait être l’occasion d’améliorer le fonctionnement des services publics en privilégiant davantage la qualité que la quantité. Réduire certaines dépenses jugées moins utiles, pour mieux augmenter celles devenues prioritaires, serait ainsi le gage d’une maîtrise du déficit budgétaire et d’une baisse des impôts à moyen terme garantissant le retour de la croissance et du bien-être.
Nous avons besoin d’économie sur certaines dépenses publiques non pour accélérer le remboursement de la dette comme cela est trop souvent évoqué, mais pour relancer l’investissement public et faire baisser le chômage.

Face aux logiques comptables à court terme, il faudra beaucoup de courage politique pour réhabiliter cette idée pourtant simple selon laquelle les dépenses publiques doivent être évaluées à partir de la richesse sociale qu’elles nous procurent et non à partir de leur seul coût.
Ce n’est que grâce à une gestion fondée sur l’utilité sociétale des dépenses publiques que l’on pourra mieux mesurer leur rôle économique et social dans notre économie et donc faire des réductions ciblées et équitables.

Par contre, réaliser des économies sur les prestations sociales paraît difficile, car la retraite et la santé sont devenues des richesses sociales et solidaires structurellement incompressibles.
Leur financement repose exclusivement sur le travail.
Or si l’on souhaite alléger leur coût et les rendre durables, il faut donc transférer une partie de leur prélèvement sur la rente financière qui capte plus de 9 % de la richesse nationale sans véritable contrepartie pour l’économie réelle, au lieu d’en faire supporter une partie toujours croissante à la charge individuelle des salariés.

Dans une conjoncture économique convalescente, aggravée par la rigueur et le risque déflationniste qui pèse sur notre économie, ce redéploiement des dépenses et ce transfert de ressources permettraient de contenir le déficit budgétaire tout en augmentant le niveau des dépenses publiques considérées comme prioritaires grâce à la reprise de l’activité économique.
Le pari peut sembler audacieux. L’audace serait toutefois payante, car la demande pourrait être soutenue sans freiner l’offre !