La chronique Éco de G. Fonouni | Enrichir les plus riches pour dynamiser l’investissement : un pari pascalien !

La chronique Éco de G. Fonouni | Enrichir les plus riches pour dynamiser l’investissement : un pari pascalien !

L’entreprise est devenue plus que jamais l’acteur principal pour sortir notre économie de la crise de l’emploi et de la faible croissance. Le dynamisme de l’économie française dépend désormais des décisions des chefs d’entreprise. Ils détiennent les clés de la relance économique par l’augmentation de leurs capacités de production et doivent faire preuve d’un véritable engagement dans la société pour combattre le chômage et préserver l’environnement. Leur engagement pourrait être payant car  la conjoncture semble favorable pour relever le défi de l’investissement.  Toutes les conditions influençant les décisions d’investir sont mutuellement réunies. Le taux de marge des entreprises s’est bien redressé grâce à la baisse du prix du pétrole et aux exonérations des cotisations sociales liées au CICE. La consommation des ménages en France reste soutenue. L’investissement quant à lui, semble se redresser avec un taux de 24% du PIB en 2017.  Ce sursaut conjoncturel de demande profite aux entreprises. Elles sont les grandes gagnantes de cette situation. A cela, s’ajoute la suppression de l’ISF en France sur le patrimoine financier et la réduction de l’imposition des revenus du capital  pour 2018. Selon la théorie du « ruissellement » cette mesure fiscale, en enrichissant davantage les 10% des ménages les plus riches, orienterait l’épargne vers l’investissement, et donc enrichirait l’ensemble de notre économie.

Cependant choisir de privilégier les patrimoines financiers pour dynamiser l’investissement est un pari pascalien.

Rien ne garantit qu’en favorisant l’intérêt personnel, les politiques fiscales ciblées sur le décile des plus riches, favoriseront la création de richesses grâce à l’investissement.

Aujourd’hui les grandes entreprises consacrent deux fois plus d’argent aux versements de dividendes qu’aux investissements. Leurs dirigeants  sont désormais contraints de valoriser  les actifs financiers avant les actifs productifs, ce qui ralentit les investissements et  retarde l’innovation. La réduction de l’imposition du capital financier, risque d’inciter davantage les gros épargnants à préférer les placements aux investissements, jugeant les seconds trop risqués et moins rentables dans une conjoncture incertaine. La croissance économique ne serait plus entre les mains de l’entrepreneur au sens de Schumpeter mais entre celles du financier. Ce dernier jugeant trop souvent l’investissement comme une dépense, renoncerait à s’engager dans des projets à long terme préparant la transition écologique. 

De plus, en taxant moins les plus fortunés pour attirer les investisseurs, cette réduction pourrait aussi entraîner les pays européens dans une concurrence fiscale les conduisant à réduire leurs recettes fiscales au risque d’affaiblir l’efficacité de leurs politiques publiques. Moins de recettes fiscales contraignent les États à diminuer leurs dépenses publiques. Or avec moins de services publics, moins de services de santé et sociaux, moins de recherche ou encore moins d’infrastructures matérielles et immatérielles publiques sur le territoire, aucun chef d’entreprise ne peut créer de la richesse économique. Leur insuffisance risque de repousser les investisseurs malgré les avantages fiscaux qui leur sont accordés. Devant de tels risques, le pari ne peut réussir qu’à la condition que l’État crée en contrepartie un contexte macroéconomique favorisant l’anticipation de la demande des entrepreneurs.

Les profits des entreprises ne proviennent pas des seuls talents des dirigeants d’entreprise ni des seuls capitaux des gros épargnants.

Comme l’a mis en évidence l’économiste Michal Kalecki : la consommation des ménages, l’investissement des entreprises dans leur ensemble, le commerce extérieur ou encore les dépenses publiques déterminent les carnets de commandes des entreprises. A l’échelle de l’économie globale ces déterminants ont donc une grande influence sur le niveau de leurs profits. En effet les dépenses publiques et la consommation ont été les principales sources de leur progression en France sur la période de 1991 à 2016. D’où la nécessité d’augmenter les investissements publics et les revenus des ménages pour accroître la demande globale et les profits. Cette hausse favoriserait l’orientation de l’épargne des plus riches vers l’investissement désormais devenu plus rentable que les placements financiers. Le pari de leur faire gagner plus que ce qu’ils dépensent pourrait s’avérer bénéfique pour notre économie.