La chronique Éco de G. Fonouni | Le Bio : une alternative aux engrenages de l’agriculture intensive !

Le Bio pourrait sortir des engrenages de l’agriculture intensive à condition que l’on ne reproduise pas en bio ce qui a été fait en conventionnel.

Notre agriculture est de moins en moins compétitive sur les marchés européens et mondiaux. L’agriculture française qui a toujours été une des sources principales de notre excédent commercial, risquerait de devenir déficitaire en 2023 malgré les réformes successives de la Politique Agricole Commune née en 1962. La France pourrait importer plus de produits agricoles qu’elle en exporte, alors qu’elle est le  plus grand producteur agricole européen. Les exploitants agricoles ont les plus grandes difficultés à affronter la compétition des prix agricoles toujours plus bas, à cause des normes sociales, environnementales et sanitaires plus rigoureuses que celles de leurs concurrents. A cause aussi, des charges d’exploitation qui sont plus élevées que celles des producteurs étrangers. Or avec des prix tirés toujours vers le bas, afin de satisfaire à la fois les industries agroalimentaires, la grande distribution et les consommateurs, beaucoup d’agriculteurs ne parviennent plus à vivre de leur travail pour nous nourrir.

Ils se trouvent aujourd’hui, pris dans plusieurs engrenages responsables de cette situation. Le premier d’entre eux, est celui de la production intensive fortement consommatrice de pesticides, fondée sur des rendements à grande échelle. Celui-ci, favorisé par la politique agricole commune, les a incités à produire toujours plus grâce aux subventions européennes, et les a donc incités à réaliser des investissements très coûteux : construction de bâtiments, exploitation de nouvelles terres, achats de matériels et de machines, achats de graines, de produits phytosanitaires et achats d’animaux et d’alimentation pour les élever. Cette course effrénée aux rendements, rendue indispensable pour assurer l’autosuffisance alimentaire de l’Union Européenne, qui a nécessité des moyens financiers conséquents pour financer ces investissements, les a fait basculer dans l’engrenage financier. Engrenage, dans lequel les banques sont devenues une partie prenante majeure et incontournable du développement de leurs exploitations. Pouvant décider du financement de tel ou tel projet agricole, elles se sont progressivement substituées à leurs décisions de production, rendant ainsi les agriculteurs dépendants à l’égard du système financier. Pris dans la spirale de l’endettement pour pouvoir produire toujours davantage et n’ayant plus le choix de leur production, de nombreux agriculteurs finissent hélas, par commettre l’irréparable. En France, un agriculteur se suicide chaque jour à cause de ces engrenages. Cependant, beaucoup de banques refusent encore d’accorder des prêts aux petits exploitants. Ces derniers sont donc contraints de se tourner vers les coopératives agricoles pour obtenir les crédits auprès des banques afin de produire toujours plus. En contre partie, les coopératives leur assurent leurs débouchés en revendant leur production aux groupes agroalimentaires et aux centrales d’achats de la grande distribution. Or cette garantie commerciale s’est faite au prix d’un contrôle de l’ensemble du circuit de distribution par tous ces intermédiaires imposant leurs prix, privant ainsi les agriculteurs de pouvoir fixer les leurs en fonction de leurs coûts. Pris dans cet engrenage commercial, de plus en plus d’agriculteurs vendent à perte et vivent en dessous du seuil de pauvreté.

Pour sortir de ces engrenages qui ont enfermé les agriculteurs dans une agriculture intensive générant plus d’externalités négatives que d’externalités positives et pour faire face aux dégâts infligés par ce modèle de production, l’agriculture française aurait intérêt à se convertir progressivement et massivement au « bio ».

L’agriculture biologique représente aujourd’hui en France 7.6% de la surface agricole utile. Bien que cela reste en dessous de la moyenne européenne, sa progression  est de plus en plus forte grâce à une demande en pleine expansion. Un développement conséquent de ce mode de production, excluant l’usage de produits chimiques de synthèse (pesticides, OGM…) conformément au cahier des charges, serait souhaitable  pour la sauvegarde de l’environnement, de la biodiversité dans les espaces cultivés et pour la santé des agriculteurs, les premiers exposés aux pesticides, ainsi que pour celle des consommateurs. Elle aiderait notre agriculture à faire face à la concurrence étrangère en se différenciant par la qualité plutôt que par la quantité, garantissant ainsi un excédent commercial  tiré par une compétitivité hors prix profitant aussi bien à notre économie qu’à nos agriculteurs. De plus, n’étant plus soumis à la pression des industries agroalimentaires et pouvant tisser des relations directes, soit avec les consommateurs, ou soit avec des enseignes spécialisées dans les produits bio, les agriculteurs pourraient être rémunérés à un prix juste tenant compte de leur coûts, et donc pourraient vivre réellement de leur travail. Cependant, cette transition représente un coût énorme en investissements et en temps pour les agriculteurs souhaitant s’y engager. C’est pourquoi il serait  nécessaire qu’elle soit accompagnée par des aides financières de l’État et de celles de la Politique Agricole Commune, équivalentes à celles attribuées à l’agriculture conventionnelle. Il serait aussi nécessaire, de compléter ces aides par une formation à la fois sur le terrain et dans les écoles agricoles afin que les agriculteurs actuels et futurs puissent acquérir et maîtriser la culture Bio et la transmettre à la génération future. Ce qui inciterait celle-ci, à suivre une autre voie que celle de l’agriculture intensive et permettrait au paysan de retrouver toute la considération qu’il mérite.

Le Bio pourrait ainsi sortir des engrenages de l’agriculture intensive, les agriculteurs qui le désirent, à condition que l’on ne reproduise pas en bio ce qui a été fait en conventionnel.