La chronique Éco de G. Fonouni | La déflation : une menace pour la zone euro !

L’inflation ralentit dans la zone euro depuis 2013. Elle est même devenue négative en Grèce, en Italie  ainsi qu’en Espagne. Avec 0% d’inflation en 2015, la France se rapproche de ces pays déflationnistes. La hausse des prix dans la zone euro en 2016 se situe à 0.5% ce qui est bien en deçà des 2%, seuil que doit maintenir la banque centrale européenne pour éviter tout risque inflationniste. Le taux de chômage dans certains pays partageant la même monnaie, ne parvient toujours pas à passer sous la barre des 10% de la population active malgré les réformes structurelles du marché du travail. En outre, l’investissement européen baisse depuis la crise financière de 2007. Il est passé de 23% du PIB en 2007 à 19.5% en 2014. Quant à la croissance du P.I.B de la zone euro, elle n’atteint toujours pas l’objectif de 2%. Les indicateurs conjoncturels des économies de cette zone ne sont pas vraiment réjouissants. Dans ce contexte économique, la recherche d’une compétitivité prix s’appuyant à la fois sur une réduction du coût du travail (salaire brut + cotisations sociales patronales) et sur une flexibilité du marché du travail, tend à favoriser le rouage déflationniste. En effet, la déflation c'est-à-dire la baisse généralisée et durable des prix n’est plus désormais un spectre lointain, mais un risque bien réel qui menace les pays membres de la zone euro pris dans l’engrenage de la course à la compétitivité prix. Pourtant la baisse des prix est une bonne nouvelle ! Alors pourquoi s’en inquiéter ?

En réalité la déflation fait courir de gros risques à ces économies et les gains procurés restent illusoires. Dans une telle situation, les entreprises baissent leurs prix pour trouver des débouchés et compriment les salaires afin de maintenir leurs marges et garder leur compétitivité, ce qui fragilise la demande globale. Les ménages quant à eux, reportent leurs achats afin d’acheter moins cher plus tard, anticipant ainsi la poursuite de la baisse des prix, ce qui contribue à réduire davantage le niveau de la consommation globale. Les taux d’intérêt réels c'est-à-dire les taux d’intérêt corrigés de l’inflation, augmentent, si bien qu’emprunter pour investir devient coûteux pour les entreprises. Elles renoncent à leur projet d’investissement et ne créent pas d’emploi faute de production supplémentaire. De plus, cette hausse des taux d’intérêt réels alourdit aussi la charge de la dette publique et contraint ainsi les gouvernements européens à réduire encore plus leurs dépenses publiques renforçant davantage les politiques d’austérité en vigueur, affaiblissant ainsi la demande intérieure européenne. 

Or ces facteurs qui freinent la demande pourraient engager les économies européennes de la zone euro dans une spirale déflationniste dans laquelle la baisse de la demande provoque une baisse de la production et de l’emploi, qui à son tour, entraine une baisse du niveau des salaires engendrant celle du niveau des prix, laquelle incite les entreprises à comprimer de nouveau les salaires pour maintenir leur marge, ce qui réduit la demande, et contraint ainsi les entreprises à poursuivre encore une baisse des prix pour trouver des débouchés, etc… Comment éviter ce cercle vicieux ?

Il faut relancer la demande intérieure européenne par l’investissement privé et public et favoriser la hausse des prix jusqu’au seuil des 2%. Depuis 2015,  la banque centrale européenne s’y est engagée par sa politique monétaire de relance de l’activité économique grâce à un taux d’intérêt directeur pratiquement nul et à un rachat soutenu des dettes publiques et privées par la création monétaire (quantitative easing). Or inonder l’économie de liquidités pour inciter les banques à prêter et faire baisser le taux de change de l’euro pour dynamiser les exportations, ne suffit pas à faire repartir l’investissement et donc la croissance économique. La banque centrale européenne ne peut à elle seule relancer le moteur de l’activité économique, alors qu’en même temps, les États de la zone euro mènent des politiques économiques opposées privilégiant l’austérité et précarisant davantage le travail pour lutter contre le chômage. Avec une demande intérieure européenne en berne, la politique monétaire est inefficace. Elle pourrait devenir efficace que si la demande publique prend le relais. En effet, l’investissement public européen peut être un moteur de l’investissement privé grâce à son effet multiplicateur sur la demande. C’est précisément l’objet du plan Juncker de 2014. Son effet levier pourrait être beaucoup plus ambitieux à condition que les pays de la zone euro le soutiennent par une relance des investissements publics, collective et coordonnée, en renonçant provisoirement à leur rigueur budgétaire. Ce n’est qu’à cette condition que l’accroissement de la demande intérieure européenne permettrait aux entreprises d’anticiper sur l’avenir et de sortir définitivement de la spirale déflationniste qui menace l’Union Européenne.