La chronique Éco de G. Fonouni | Moins de prélèvements obligatoires pour plus de croissance : un mythe économique mais une réalité sociale !
Devant l’envolée des déficits publics et de la dette publique accompagnée d’une pression fiscale devenue optimale, le diagnostic est sans appel. Les États européens et plus particulièrement la France, doivent « imposer moins et dépenser moins ».
Au nom de ce dogme économique, les gouvernements affirment inlassablement qu’il serait bon de réduire les prélèvements obligatoires. Ceux-ci représentaient en 2016 dans notre économie 44,2% du P.I.B. et pèsent lourdement sur la croissance en affaiblissant l’offre. Les entreprises étant devenues moins compétitives, ont du mal à remplir leurs carnets de commandes et donc à trouver des débouchés. Dans ces conditions, elles ne peuvent ni produire davantage, ni créer des emplois.
Les gouvernements se sont engagés à les réduire à au risque de renforcer le dumping fiscal. Ils ont choisi de pousser la croissance par l’offre plutôt que de la tirer par la demande sous la contrainte des politiques d’austérité imposées par l’Union européenne.
Un tel choix est audacieux et risqué.
Audacieux car d’une part la baisse des prélèvements obligatoires ne garantit pas nécessairement une diminution des prix et donc une meilleure compétitivité prix. Une baisse des cotisations sociales patronales ne permet pas à nos entreprises d’aligner leurs prix sur ceux des entreprises des pays émergents. L’écart social entre ces pays et le nôtre rend impossible et insoutenable toute compétitivité prix.
D’autre part, les entreprises bénéficiant de ces allègements fiscaux, préfèrent avant tout, accroître leur taux de marge. Et, ce n’est pas parce qu’elles ont restauré leurs marges, qu’elles vont investir. Les profits sont nécessaires à l’investissement, mais ils ne sont pas une condition suffisante. Le déterminant substantiel de l’investissement et de l’emploi reste la demande. C’est elle qui remplit le carnet de commandes des entreprises et les incitent à investir, à augmenter leur production et à créer des emplois.
Cette baisse est également risquée, puisqu’elle contraint l’État Providence à réduire le niveau des revenus sociaux versés aux ménages les plus modestes et creuse davantage les inégalités de revenus. Cette diminution du pouvoir d’achat des ménages affaiblit la consommation et fragilise la cohésion sociale.
De plus, faute de ressources fiscales suffisantes, l’État se voit obliger de diminuer les dépenses publiques afin d’éviter d’aggraver ses déficits.
L’impôt sert à financer des dépenses publiques, elles-mêmes très utiles à la croissance économique.
Or, moins d’impôts, c’est moins de main d’œuvre qualifiée, moins de santé, moins de connaissances, de recherche, d’innovation et de progrès technique, moins de compétitivité et donc moins de croissance à terme selon les théoriciens de la croissance endogène. Sa réduction provoque celle des dépenses publiques qui par son effet démultiplicateur ralentit à la fois le niveau de la demande et celui de l’offre pénalisant ainsi la croissance.
L’offre, malgré ces allègements fiscaux et sociaux, ne peut parvenir sans le soutien de la demande, à relancer la croissance. C’est le cas de la France aujourd’hui, qui a du mal à décrocher des taux de croissance supérieurs à 2%.
« Imposer moins et dépenser moins » pour doper la croissance, serait-il un mythe ?
Malgré ses risques, l’idée de payer moins d’impôt et de cotisations sociales nous réconforte toujours. Pourtant le taux de prélèvements obligatoires est l’un des meilleurs indices du degré de solidarité nationale et permet à tous de bénéficier d’une protection sociale et d’accéder à l’Éducation gratuitement. Cette diminution est révélatrice d’un choix de société. Elle répond davantage à des motifs politiques. Elle cimente ainsi petit à petit l’idée que notre système social est devenu aujourd’hui trop coûteux et inefficace. Elle prive l’État-Providence de ressources, de telle sorte que même ceux qui en ont le plus besoin acceptent implicitement son désengagement progressif faisant naître chez les ménages le sentiment de payer toujours trop pour une redistribution en contrepartie peu significative. Elle légitime ainsi le chacun pour soi. En cette période d’austérité la perte du paiement solidaire justifie la régression sociale désignée comme un mal nécessaire pour rétablir la croissance et l’emploi pour tous. Ce recul est d’autant plus accepté que l’effort collectif se laisse absorber petit à petit par l’égoïsme social dans lequel l’exploit solitaire se substitue à la réussite solidaire. Le mythe économique pourrait ainsi devenir progressivement une réalité sociale !