La chronique Éco de Gérard Fonouni : Dette publique, entre annulation et prudence budgétaire, une troisième voie est possible !
La situation économique actuelle de la France et celle de sa dette publique, c'est-à-dire les engagements financiers de l’Etat, des Administrations publiques et des collectivités locales, peuvent être comparées avec la conjoncture économique de 1945. Période dans laquelle la dette publique atteignait 200% du P.I.B. Toutefois la croissance économique et l’inflation étaient beaucoup plus élevées à cette époque qu’aujourd’hui. De plus, l’Etat avait la possibilité de financer le déficit budgétaire en ayant recours au financement monétaire auprès de la Banque de France. Possibilité qu’il n’a plus depuis 1973, et qui lui est interdite par le traité de Maastricht depuis 1992. Ce qui le contraint à se financer exclusivement sur le marché financier et donc à être dépendant des prêteurs nationaux et internationaux privés.
Grâce à la combinaison de trois facteurs économiques : croissance - création monétaire - inflation, la dette publique d’après guerre a été réduite de 50% en moins de cinq ans et a atteint le seuil des 20% du P.I.B en 1974 sans qu’aucune politique économique d’austérité n’ait été mise en place.
La situation économique que nous connaissons actuellement, diffère de celle de 1945 à bien des égards. L’inflation a quasiment disparu, la croissance quant à elle, peine toujours à dépasser la barre des 3%. Cependant malgré des causes et des indicateurs économiques conjoncturels différents, les deux situations ont un point commun : la hausse de la dette publique.
En effet, la crise sanitaire qui frappe notre économie a creusé les déficits publics faisant accroître considérablement la dette publique à plus de 120% du P.I.B. La pandémie de la Covid19, affaiblissant la croissance, le niveau des revenus et creusant les déficits publics, a fait resurgir le débat autour de la dette, alors que nous ne sommes pas encore sortis de la pandémie. Débat qui oppose, d’un côté les partisans d’une annulation de la dette, et de l’autre, ceux qui prônent une diminution des dépenses publiques à défaut d’une augmentation des impôts. Une diminution plus ou moins déguisée par la mise en œuvre de réformes structurelles comme celle des retraites, du marché du travail, ou encore comme celle de la fonction publique. Réformes permettant de ne pas recourir à une politique d’austérité, évitant ainsi des coupes budgétaires sèches à court terme.
Or, parmi ces deux options il existe une troisième option pour réduire le ratio du poids de la dette (Dette/PIB). Cette option devrait combiner à la fois simultanément trois facteurs : croissance-création monétaire-inflation, pour rendre la dette soutenable.
En effet lorsque la croissance du P.I.B. dépasse celle de la dette, celle-ci devient soutenable. Dans ce cas, son annulation devient quasiment inutile. C’est pourquoi il est urgent de favoriser la croissance économique notamment une croissance économique accélérant la transition écologique grâce à des plans de relance ambitieux par la demande de manière coordonnée et simultanée au niveau européen et au niveau national. L’Europe s’y est engagée à travers son plan de relance de 750 milliards d’euros financé par la Banque Centrale Européenne en rachetant la dette des états membres, donc en créant de la monnaie, évitant ainsi d’alourdir la charge de la dette.
Cependant, pour être pleinement efficace ce plan européen, devrait être aussi relayé par des plans de relance nationaux réalisés simultanément par chaque pays membres de l’euro afin que la relance profite à tous. Une politique de relance coordonnée entre les 19 pays grâce à l’augmentation des dépenses publiques notamment celles de la santé, de l’éducation, de la recherche et des infrastructures publiques serait bénéfique à l’activité économique selon les théoriciens de la croissance endogène.
En effet, la hausse des dépenses publiques contribue par son effet multiplicateur, au même titre que la production marchande à la richesse nationale. Par cet effet, elles distribuent des revenus à une multitude d’agents économiques. Cette distribution généralisée de revenus amplifie la demande globale ainsi que la production de toutes les entreprises. Elles sont une richesse, pas une charge pour notre économie, comme le soutenait le célèbre économiste J.M Keynes. Les augmenter en même temps dans les 19 pays de la zone euro, c’est donc augmenter le PIB et non amputer la richesse nationale. C’est donc aussi rendre soutenable la dette publique.
De plus, celles-ci devraient être financées par la création monétaire (quantitative easing) de la Banque Centrale Européen puisque ces pays n’ont pas la possibilité d’agir sur leur monnaie pour stimuler et relancer leur croissance, contrairement aux pays européens non adhérents à l’euro. En outre, le risque inflationniste lié à la hausse de la demande et de la masse monétaire qui pourrait en découler, leur serait bénéfique. En effet, cette hausse des prix en respectant plus ou moins le seuil des 2% fixé par la Banque Centrale Européenne, permettrait de réduire le remboursement de la dette et d’accroître les recettes fiscales indirectes sans augmenter les taxes. Ainsi, le retour d’une croissance forte financée par la Banque Centrale Européenne grâce au rachat de leurs dettes, et le retour d’une inflation légère, permettraient de réduire les déficits publics par la hausse des recettes fiscales qui en résulterait, sans qu’aucune politique d’austérité ne soit mise en œuvre de nouveau.
Cette troisième option combinant ces trois facteurs, faciliterait la sortie de crise évitant ainsi de s’engager à la fois dans une longue lutte politique européenne pour faire annuler la dette, et de s’engager dans des réformes structurelles sociales impopulaires.
G.F.