La chronique Éco de G. Fonouni | Ancrer l’offre sur le territoire pour redresser les comptes extérieurs !
L’activité économique semble repartie en France. Elle pourrait même atteindre le seuil des 2% du PIB en 2018. Le taux de marge des entreprises qui a progressé de 2 points entre 2014 et 2016, poursuit sa progression en ce début d’année 2018. La consommation des ménages reste dynamique sur cette même période. Ces divers facteurs laissent espérer une hausse de l’investissement privé et une réduction du chômage pour 2018. Quant aux prix, ils ne montent plus guère lorsque l’activité économique repart. Le taux d’inflation demeure contenu durablement sous la barre des 2% conformément à l’objectif de la Banque Centrale Européenne. Et pourtant la compétitivité de l’économie française ne s’est pas vraiment améliorée. Les comptes extérieurs ne se redressent pas, bien au contraire ils se dégradent. Le déficit de la balance commerciale ininterrompu depuis 2004, s’est creusé davantage en 2017. Sur douze mois le déficit cumulé a atteint en avril 2017 : 56 milliards contre 48 milliards pour la même période en 2016. Les exportations ne parviennent toujours pas à couvrir les importations de biens malgré la mise en œuvre du CICE et du pacte de responsabilité sous le quinquennat précédent. Ce déficit commercial traduit la mauvaise performance de notre économie par rapport à la concurrence étrangère et l’éloigne ainsi du carré magique de N. Kaldor dans lequel les quatre indicateurs : inflation-emploi-croissance-commerce extérieur sont simultanément au vert.
Ce déficit extérieur s’explique par la forte progression du coût des importations liées à la hausse du prix du pétrole. Il s’explique aussi par l’accroissement des importations des produits d’équipement, métallurgiques et manufacturés, consécutivement à la reprise de l’investissement de nos entreprises. Cette dégradation est paradoxale. Elle est à la fois une bonne nouvelle traduisant une demande intérieure en hausse grâce à l’investissement et à la consommation. Et, une mauvaise nouvelle dénonçant à l’intérieur du pays, une industrie quasi-inexistante dans le secteur des biens d’équipements en raison de la spécialisation selon les avantages comparatifs. Dès lors, à chaque reprise de la demande et de la croissance, ce secteur sous représenté sur le territoire alourdit le déficit industriel. A cela, s’ajoute les choix stratégiques des groupes français influencés par une concurrence par les coûts. Ces groupes, comme notamment ceux de l’automobile font de plus en plus assembler leurs produits à l’étranger qu’ils réimportent ensuite sur le marché intérieur. De tels choix contribuent à faire croître les importations et donc à creuser le déficit extérieur.
C’est pourquoi il devient urgent de développer la part des énergies renouvelables en France dans lesquelles les entreprises ne sont pas délocalisables. Il est tout aussi urgent, d’accélérer la transition écologique grâce aux aides
fiscales et aux investissements publics, de telle sorte que les échanges extérieurs ne soient plus sensibles à une variation du prix des énergies fossiles.
Côté exportations, les ventes des produits pharmaceutiques, des produits agroalimentaires, parfums, cosmétiques et aéronautiques continuent de progresser, mais à un rythme encore insuffisant pour enrayer le dynamisme des importations. Malgré le redémarrage de l’économie mondiale depuis 2016, les exportations n’empêchent pas le déficit extérieur de s’aggraver, marquant ainsi les limites de la politique de baisse du coût du travail menée par les gouvernements successifs pour restaurer la compétitivité prix des entreprises françaises. Celles-ci ayant préféré augmenter leur marge plutôt que de baisser leurs prix.
Or, pour faire face à la concurrence étrangère, les entreprises avec l’aide des pouvoirs publics doivent développer davantage la compétitivité hors prix fondée sur la qualité. Le rétablissement et le renforcement de cette compétitivité passent non seulement par des investissements accrus dans la formation, dans la recherche ou encore dans la montée en gamme de tout notre appareil productif, mais aussi par un ancrage territorial.
Pour ancrer les activités sur le territoire, il est nécessaire de développer des systèmes territoriaux de compétences associant des entreprises cotraitantes, sous-traitantes avec des écoles d’ingénieurs, des universités, des laboratoires de recherche et des infrastructures publiques. Il semble vraisemblable que grâce à une offre de spécificités territoriales les firmes renonceront plus facilement à la concurrence par les coûts et donc renonceront à se délocaliser. Elles seraient ainsi davantage incitées à se concurrencer en améliorant la situation des salariés plutôt que de la précariser. Et, elles deviendraient capables d’imposer le long terme à la logique financière en rendant l’investissement plus rentable et moins risqué que le placement.
Cette stratégie aiderait notre économie à réduire sa dépendance extérieure de l’intérieur en retrouvant une nouvelle politique industrielle.