La chronique Éco de G. Fonouni | Brexit : le risque d’une Europe des Etats désunis ?
Les Britanniques ont choisi de sortir de l’Union Européenne et de faire cavalier seul face à la mondialisation et à l’essor des pays émergents. La souveraineté britannique pourra-t-elle redevenir aussi forte que celle qui a dominé durant le 19ème siècle ? Depuis, la configuration du monde a bien changé. Il est devenu aujourd’hui nécessaire de s’unir et de coopérer afin de faire face aux nouveaux enjeux de la mondialisation. Pourtant le peuple britannique a choisi de se désunir de l’Union Européenne le 23 juin 2016 par référendum. En Grande Bretagne, plus on est âgé et plus on est précaire, plus on rejette le projet européen. La faute principale n’incombe pas au peuple souverain qui a exprimé démocratiquement et clairement son rejet de l’Union Européenne. Elle n’incombe pas non plus aux Nationalistes prônant le repli identitaire comme la solution miracle à la pauvreté, au chômage et aux inégalités sociales. La faute principale revient à l’Union Européenne elle-même ! En dépit de tous les avertissements, de toutes les critiques, de la montée en flèche du populisme, et en dépit aussi de tous les signes économiques peu encourageants depuis 2008 : faible croissance économique, chômage récurrent, risque déflationniste, inégalités sociales croissantes et précarité de la population active, elle a poursuivi son chemin dans une logique ultralibérale privilégiant davantage les intérêts des lobbies financiers, ceux des multinationales à ceux des citoyens. L’Europe des marchés, de la finance, des normes, de la concurrence libre et non faussée, celle des critères budgétaires et de la flexibilité du travail, ne fait rêver plus personne, bien au contraire. Les classes populaires ainsi que les classes moyennes ne croient plus à l’Europe. Elles se tournent de plus en plus vers la Nation comme le seul rempart aux excès de la mondialisation de l’économie. Elles se replient sur leur identité ou encore sur leurs racines historiques ou religieuses devenues désormais leur seul patrimoine à
défaut d’un patrimoine économique prospère !
Le Brexit encourage et renforce le Nationalisme. Si les gouvernements des 27 pays membres continuent de préférer l’exploit solitaire à l’exploit solidaire dans le processus européen, le Nationalisme pourrait vite s’étendre et justifier la sortie d’autres pays de l’Union Européenne. Les gouvernements européens se sont trop souvent servis de l’Europe plutôt que de la servir. Ils ont petit à petit obscurci son utopie historique et ont amoindri son union en choisissant son élargissement à celle de son approfondissement. Faut-il pour autant tourner définitivement le dos à l’Europe et interrompre sa longue marche intégrative ? C’est la tendance qui domine aujourd’hui dans la plupart des pays du continent. Les dirigeants européens ont rendez-vous avec l’histoire. Ayant raté celui de 2008 en refusant l’opportunité de réaliser un New Deal européen, ils ne devront pas manquer celui de 2016. Si l’on croit encore à cette grande œuvre commune civilisationnelle, à cette construction unique dans le monde qui assure la paix et la démocratie sur un continent, il faut très rapidement instaurer une gouvernance économique et sociale de la zone euro pour relancer l’économie et mettre fin définitivement au dumping social et fiscal. Il faut aussi surtout une gouvernance politique associant les citoyens à la construction du projet européen avec 27 pays en donnant un réel pouvoir de décision au Parlement européen. Ce n’est qu’à ces conditions que l’Union Européenne pourra poursuivre son nouveau parcours en restant unie. Or, à défaut d’actes à la hauteur de l’évènement, l’Union Européenne pourrait vite devenir l’Europe des États désunis !