Note de l’inspection pédagogique régionale de philosophie aux correcteurs du baccalauréat (2006)
I - La correction de l’épreuve écrite
La nouvelle formulation du sujet-texte à l’épreuve du baccalauréat apporte des précisions sur ce qui peut et ce qui ne peut pas être exigé des candidats. Ces précisions, parce qu’elles se fondent sur les principes généraux qui président à l’enseignement de la philosophie dans les classes terminales, sont applicables, mutatis mutandis, aux sujets de dissertation.
- Un premier principe est celui de la liberté pédagogique qui est reconnue à chaque professeur. Il en résulte que, pas plus pour la dissertation que pour l’explication de texte, le correcteur n’est en droit d’exiger une méthode particulière (plan en deux, trois ou quatre « parties », conclusion « ouverte » ou « fermée » etc.). Si le professeur peut légitimement préconiser telle ou telle méthode et exiger de ses propres élèves qu’ils l’appliquent tout au long de l’année scolaire, il ne peut, devenu correcteur au baccalauréat, attendre des élèves de ses collègues qu’ils mettent en œuvre la même méthode. Il est en revanche fondé à attendre des candidats dont il examine les travaux qu’ils procèdent de façon méthodique et ordonnée, quelle que soit la méthode adoptée.
- Un second principe est celui de la liberté philosophique qui est reconnue à chaque professeur. En vertu de ce principe, il aura au cours de l’année scolaire fait travailler ses classes sur telle œuvre ou tel texte de la tradition philosophique, il aura privilégié dans son enseignement tel ou tel auteur dont la pensée nourrit sa propre réflexion, initiant ainsi ses élèves à la philosophie à partir du rapport singulier que lui-même entretient avec les œuvres des philosophes. Dans les copies qu’il corrige pendant l’année scolaire, il peut s’attendre à trouver des traces de l’enseignement qu’il a ainsi dispensé, mais il ne peut évidemment avoir la même attente vis-à-vis des copies qu’il corrige au baccalauréat. L’enseignement de la philosophie en classes terminales n’étant pas un enseignement d’histoire de la philosophie, il ne comporte aucun « passage obligé », en sorte qu’aucune référence ne peut être réputée indispensable : ni l’allégorie de la caverne, ni la perception du morceau de cire ne sont « au programme ». En revanche, si aucune connaissance déterminée n’est exigible d’un candidat, l’absence de toute connaissance, surtout quand elle va de pair avec l’absence de la réflexion qu’elle devrait nourrir, mérite d’être sanctionnée, en particulier dans les séries où l’horaire imparti à la philosophie reste relativement important. On n’oubliera pas cependant qu’on a affaire à des élèves qui débutent en philosophie et, dans l’appréciation de leurs travaux, on sera moins attentif à l’exactitude des références fournies qu’aux efforts déployés par les candidats pour tirer parti de ce qu’ils ont appris au cours de l’année scolaire, quand bien même ces efforts seraient maladroits et n’aboutiraient pas pleinement.
Les recommandations que l’Inspection générale de philosophie a adressées aux correcteurs du baccalauréat en les invitant à réserver « les notes faibles ou très faibles (de 5 ou 4 à 0) aux copies particulièrement défaillantes du point de vue de la correction, de la cohérence ou de la pertinence du propos » ont parfois été mal interprétées. Elles ne signifient en aucune manière qu’il serait « interdit » d’attribuer de telles notes : c’est tout au contraire parce qu’il est prévisible qu’un certain nombre de copies mériteront ces notes qu’il importe de les réserver à celles qui les méritent. L’esprit de ces recommandations est le suivant : il s’agit de ne pas confondre et noyer dans la même indistinction des copies informes, absurdes, provocatrices ou ostensiblement bâclées et des copies qui, même mauvaises ou ratées, traduisent néanmoins un certain effort de compréhension et de composition ; il s’agit aussi de ne pas pénaliser des candidats pour une ignorance ou une mésinterprétation qui ne leur serait pas reprochée par l’ensemble des correcteurs : chaque professeur peut tenir une connaissance pour indispensable et l’exiger des élèves auxquels il l’a transmise ; il peut aussi tenir une interprétation pour juste et la faire valoir auprès des élèves qu’il a la charge d’instruire ; mais, correcteur au baccalauréat, il doit juger les travaux des candidats non en son nom propre, mais au nom de la communauté philosophique dont il est alors le représentant.
II - La participation aux commissions d’entente et d’harmonisation
C’est précisément parce que la correction des copies de baccalauréat obéit à ce principe de collégialité que la participation de tous les correcteurs aux commissions d’entente et d’harmonisation est indispensable et, comme le rappelait l’inspection générale dans la lettre qu’elle avait adressée à ceux-ci lors de la session 2000, strictement obligatoire.
1 - La commission d’entente
Son but est « de rappeler et de confirmer les exigences communément admises pour l’évaluation des copies, compte tenu de la spécificité de chaque discipline (…) et surtout d’en ébaucher l’application par un exercice réel de notation en commun ». (note de service n° 95-113 du 9 mai 1995) La spécificité de la philosophie exclut que les copies soient jugées en fonction d’une grille de correction qui déterminerait a priori ce que l’on devrait y trouver. Il importe donc que les correcteurs, confrontant leur jugement sur un certain nombre de copies, s’accordent progressivement sur le traitement des sujets, les interprétations recevables et la notation.
2 - La commission d’harmonisation
En fin de correction, quelques jours avant les délibérations, cette réunion permet aux correcteurs, à travers la comparaison des moyennes et des répartitions des notes, de s’assurer de l’équité de la notation qu’ils proposent. Elle permet aussi de relire ensemble les copies problématiques et de réviser collégialement certaines notes après discussion.
Chacun comprendra que l’équité de la notation d’une part, la crédibilité de notre enseignement d’autre part sont en jeu. Les accusations portées contre l’arbitraire de la notation visent plus volontiers la philosophie que les autres disciplines. Quelque infondées qu’elles soient dans la plupart des cas, elles n’en sont pas moins relayées par les médias. Il est donc de la plus haute importance de ne leur donner aucune prise.
III - Les épreuves orales
Chaque année des candidats malheureux formulent des plaintes ou engagent des recours à l’issue des épreuves orales. Là encore, ces réclamations se révèlent généralement sans fondement sérieux, mais elles pourraient être évitées si la réglementation de l’oral était rigoureusement respectée. On se montrera donc particulièrement attentif aux points suivants :
- « L’épreuve orale portera obligatoirement sur l’une des œuvres présentées, dont un bref fragment devra être expliqué. Au cours de l’entretien, toute notion du programme pourra faire l’objet d’une interrogation distincte ou, si possible, en liaison avec l’étude du texte ». Il est donc impératif de commencer par l’explication d’un fragment d’une des œuvres présentées. C’est seulement dans un second temps (« au cours de l’entretien ») qu’il sera possible d’interroger le candidat sur une notion du programme, sur ses lectures etc.
- « Au cas où le candidat, en contravention avec les dispositions réglementaires, ne présente aucune liste, ou présente une liste qui, n’étant pas conforme au programme ne lie pas l’examinateur, il est recommandé à celui-ci de fournir au candidat deux ou trois œuvres, le candidat choisit l’une d’entre elles, dont il lui est demandé d’expliquer un bref fragment ». La même règle s’applique dans ce cas de figure : le candidat doit d’abord être invité à expliquer un fragment d’une œuvre.
- « Dans toutes les séries, l’interrogation durera vingt minutes environ afin de permettre au candidat de montrer ses possibilités ; il disposera de vingt minutes environ pour la préparer ». Des candidats qui auraient été retenus plus de vingt minutes par l’examinateur se sont plaint en faisant état d’un « harcèlement » dont ils auraient été les victimes. Il importe donc de respecter aussi précisément que possible la durée de vingt minutes, tant pour l’interrogation que pour la préparation.
- Les candidats doivent être accueillis et interrogés avec bienveillance, mais en proscrivant toute familiarité : il suffit parfois de peu de chose pour que l’accusation de « harcèlement sexuel » soit porté contre un examinateur. On s’abstiendra encore de toute remarque agressive ou ironique et on s’interdira de porter un jugement sur l’enseignement qui a été reçu par le candidat. On évitera enfin de clore l’entretien par une formule dont le candidat pourrait prétendre ultérieurement qu’elle était en contradiction avec la note qui lui a été finalement attribuée (« Je vous remercie » est préférable à « C’est bien »).
- On se souviendra enfin que c’est le jury qui est souverain, non pas l’examinateur. Il en résulte qu’en aucun cas celui-ci ne doit indiquer au candidat la note qu’il a l’intention de proposer : cette note n’est en effet définitive que lorsqu’elle est arrêtée par le jury à l’issue des délibérations.
André PERRIN
Inspecteur d’Académie
Inspecteur pédagogique régional de philosophie