Quand Maupassant rencontre l’intelligence artificielle : une expérience en classe de 4e
Un dispositif pédagogique réalisé en classe de Quatrième et proposé par Adélaïde Chorin, enseignante au collège Jules Ferry de Montagnac.
Contexte
Travail mené dans une classe de Quatrième, dans le cadre de la thématique « La fiction pour interroger le réel ». La séquence s’articule autour de la problématique :
Comment la photographie des mœurs du XIXe siècle éclaire et influence-t-elle notre regard sur la société d’aujourd’hui ?
La classe étudiera cinq nouvelles de Maupassant, dont Un parricide, qui sert de point d’entrée pour aborder la question du crime, de la justice et de la misère sociale.
L’étude d’Un parricide a permis d’aborder plus précisément le questionnement suivant :
En quoi Maupassant place-t-il le lecteur dans une position de juge face à un crime à la fois révoltant et compréhensible ?
Objectifs
Comprendre comment Maupassant interroge les valeurs et les comportements de la société de son temps.
Amener les élèves à s’interroger sur la justice, la parole et la responsabilité morale à travers l’étude d’un procès littéraire.
Développer une posture critique et raisonnée face à l’usage de l’intelligence artificielle.
Outil numérique
Agent conversationnel (IA générative).
Déroulé de l’activité
Cette séance a pour but d'expérimenter l'IA non pour « faire à la place » des élèves, mais comme un outil à interroger et à maîtriser. L'activité est structurée en deux phases distinctes mais complémentaires : la première vise à construire un esprit critique face aux productions de l'IA, tandis que la seconde montre comment la canaliser pour un usage assisté et contrôlé de la rédaction.
1. Phase 1 : expérimentation et analyse critique des limites de l’IA
Cadre d'apprentissage : Cette première phase a pour objectif de faire découvrir aux élèves le principe de « prompt » et son importance cruciale sur la réponse générée. Il s'agit de leur faire prendre conscience que l'IA n'est pas une source d'information fiable et neutre, mais un outil dont les résultats sont variables et parfois erronés.
Mise en œuvre : Les élèves, répartis en binômes, ont demandé à l'IA de résumer la nouvelle Un parricide. Chaque binôme a obtenu un résultat différent, suscitant curiosité et étonnement. Nous avons alors pris le temps d’analyser ces variations :
• Pourquoi chaque résumé était-il différent ?
• Les élèves avaient-ils bien mis les guillemets dans leur requête ?
• Avaient-ils tous formulé la même question sur la fiche ?
Cette étape a permis de comprendre l’importance du prompt : la précision de la consigne influence directement la qualité de la réponse. Certains élèves avaient, par exemple, obtenu la définition du mot « parricide » au lieu du résumé attendu.
Ensemble, nous avons ensuite observé les biais et hallucinations produits par l’IA : invention, confusion de personnages, erreurs d’interprétation… Les élèves ont constaté qu’elle était incapable de citer un texte ou de saisir l’implicite, produisant à la place des phrases générales et convenues.
À la surprise générale, l’un des résumés transformait Georges Louis en “Cédric” et présentait la nouvelle comme une pièce de théâtre écrite par Sartre en 1914. Cette découverte, à la fois inattendue et instructive, a permis aux élèves de mesurer concrètement que l’IA peut produire des informations erronées sans en vérifier la véracité.
Ce travail collectif d’analyse a bien sûr permis vérifier la bonne lecture et la juste compréhension de l’œuvre par les élèves, mais a surtout été essentielle pour développer chez eux une véritable posture d’enquête et de vérification, essentielle à tout usage raisonné de l’intelligence artificielle.
2. Phase 2 : écriture argumentée assistée par l’IA
Cadre d'apprentissage : Forts des constats de la phase 1, les élèves ont abordé cette seconde phase avec un regard averti. L'objectif n'est plus de tester les limites de l'IA, mais de l'utiliser comme un assistant à la rédaction, tout en gardant le contrôle intellectuel et créatif sur le travail.
Mise en œuvre : Les élèves ont imaginé le procès de Georges Louis.
Répartis en deux groupes — avocats de la défense et procureurs —, ils ont demandé à l’IA de leur proposer un plaidoyer ou un réquisitoire.
L’activité a été différenciée :
• Les élèves à forts besoins ont commencé par s’appuyer sur la proposition de l’IA, qu’ils ont ensuite reformulée, corrigée et enrichie, en ajustant les phrases pour mieux les adapter au texte et à leur lecture du personnage.
• Les élèves les plus à l’aise ont, quant à eux, débuté directement par la construction de leur propre argumentation, avant de confronter leurs productions à celles de l’IA pour en évaluer la pertinence et la justesse.
Pour obtenir des résultats pertinents de l'IA, les élèves ont dû rédiger des prompts détaillés, incluant une présentation exacte de l'histoire et du personnage, ainsi que leurs propres arguments. Le rôle de l'IA a ainsi été circonscrit à la formulation, la correction syntaxique et l'enrichissement stylistique des propositions initiales des élèves, toujours sous leur contrôle. Cette méthode a permis de les accompagner vers un usage raisonné et contrôlé de l'IA, leur montrant comment l'utiliser pour des usages autonomes futurs, sans lui déléguer la réflexion.
3. Phase 3 : mise en scène
La séquence s’est conclue par la mise en voix du procès : chaque groupe a défendu sa position devant la classe, dans un jeu de rôle vivant et argumenté, mobilisant à la fois compétences orales et esprit critique.
Retour d’expérience
Plus-value pédagogique
L’activité a suscité un vif intérêt : les élèves se sont montrés impliqués, curieux et souvent étonnés par les limites de l’IA.
Elle a permis de développer :
• une lecture fine et engagée du texte de Maupassant ;
• une maîtrise accrue de l’argumentation orale et écrite ;
• une attitude critique et méthodique face aux productions automatiques.
La différenciation a favorisé la réussite de tous : les élèves les plus fragiles ont trouvé un appui dans les propositions imparfaites de l’IA, tandis que les plus autonomes ont renforcé leur capacité à rédiger et argumenter de manière nuancée.
Difficultés rencontrées
Certains élèves ont d’abord pris les productions de l’IA pour argent comptant, avant d’apprendre à les interroger et à les corriger. J’ai insisté sur la posture attendue : collaborer avec l’outil, sans lui déléguer la pensée.
Documents supplémentaires à télécharger
Vous pouvez télécharger les supports utilisés lors de ce dispositif pédagogique.
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Support pédagogique
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