Aborder l'indépendance des journalistes au lycée.
Pour nous, éducateurs aux médias, il est essentiel de questionner les conditions de production d'une information. On ne peut évaluer le traitement d'un événement par un média sans les interroger. Du financement dépendent les outils, temps et moyens pour se déplacer et enquêter, pour collecter, traiter, analyser les données, pour la sécurité...
L'information fiable n'a pas qu'une valeur sociale : elle a aussi un coût.
En évoquant le financement de l'information, nous ouvrons l'esprit de nos élèves aux réalités économiques des entreprises. Nous interrogeons le coût de la gratuité.
La question de l'indépendance des journalistes face à leurs actionnaires est régulièrement soulevée. On en trouve de nombreux exemples dans les commentaires des lecteurs sur Internet. Parfois en raison de réelles interférences. Et presque systématiquement émanant de groupes d'intérêts mécontents du traitement de leur cause par "les médias mainstream".
En préliminaire, il est nécessaire d'avoir défini la déontologie professionnelle d'un journaliste. Il est également bon de prévenir les élèves que l'on va les emmener à la découverte du paysage médiatique français, représenté de façon très suggestive, mais poétique, dans cette infographie. Cela stimulera leur curiosité et les préparera à accepter la complexité. Selon les classes, en moyenne, il faut prévoir 3 bonnes heures pour la séquence qui commence ci-après.
On peut commencer l'activité par un feuilletage de différents périodiques : format, type de papier, qualité de l'impression, nature et présentation du contenu, nombre et nature des éventuelles publicités, prix d'achat ou d'abonnement, public cible et ligne éditoriale. Les chiffres de diffusion annuelle, tels qu'on peut les lire dans les publications du ministère de la Culture concernant les aides à la presse, permettront aux plus pointus d'ouvrir aux notions de volume des ventes et de marge bénéficiaire.
En explorant les mentions légales et en cherchant un peu, on étend la réflexion au type de société et on définit l'actionnariat. On conclut la séance par un bilan des différents moyens de financer la presse, subventions comprises, en interrogeant les possibles conséquences sur l'indépendance de la rédaction à l'aide d'exemples.
Dans un second temps, on peut proposer d'analyser la vidéo de Médiapart "À qui appartient votre journal ?" : Consulter
Ce billet de blog pose les mêmes questions : Consulter
Lors de la diffusion de la vidéo, de nombreuses pauses permettront d'identifier les profils des propriétaires de médias qu'elle suggère, les secteurs économiques représentés, pour définir la notion de groupe d'influence ou lobby. Au début de l'année 2014, Médiapart évoque la concentration croissante des médias dans les mains d'industriels autour des années 2010.
Une dernière séance nécessitera des outils informatiques. Elle pourra consister à établir une fiche d'identité d'un média, par exemple un des titres de presse utilisés pour le feuilletage : Le Figaro, Libération, Le Monde, Ouest-France, L'Humanité... On peut bien sûr exploiter les sites de ces journaux et leurs mentions légales.
Pour aider à retrouver les relations d'appartenance des médias à des groupes et à leurs propriétaires, le Monde diplomatique tient à jour une infographie intitulée Médias français, qui possède quoi.
Une recherche sur les groupes et propriétaires permettra d'identifier les sujets sur lesquels il pourrait y avoir un risque d'influence sur l'activité des journalistes.
Peut-on enquêter sur l'actualité d'une branche économique, quand le propriétaire du média pour lequel on travaille en est un des acteurs majeurs ?
Peut-on enquêter sur l'action de l'État, quand son média fait partie du service public ?
Ce travail permet de développer une culture des médias de notre pays et l'esprit critique de nos élèves. Il ne saurait aboutir à une vision "mécanique" des questions d'indépendance, qui méconnaîtrait la réalité de la vie des rédactions comme la loi :
- Des journalistes veillent tous les jours au respect des chartes, qui définissent les relations entre actionnaires, rédactions et journalistes. Par exemple celle du journal Le Monde.
- La loi 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, par ses articles 1 et 2, a rendu obligatoire la rédaction d'une charte déontologique et sa communication au sein de chaque entreprise ou société éditrice de presse.
- La Législation européenne sur la liberté des médias adoptée par la Commission européenne le 16 septembre 2022 a pour but de protéger le pluralisme et l'indépendance des médias dans l'Union.
Le texte complet de la communication de la Commission d'où est issue cette infographie est disponible en téléchargement ici : Consulter
Enfin et surtout, la liberté d'expression et la pluralité de la presse, dans notre pays, permettent à chacun de comparer le traitement d'une information par différents médias.
Bonne activité pédagogique !