Ce projet aurait dû s’appeler Se souvenir des belles choses. Il aurait dû consister en la récolte de récits d’ancien·nes et mettre les élèves en situation de photographie à l’extérieur du collège. Ce projet est devenu totalement autre chose. En tant que photographe documentaire travaillant sur des territoires dits “sensibles”, je suis habituée à une incertitude permanente : lorsque je travaille avec les habitant·es de La Paillade ou de la Cité Gély, toute proche, je sais avant même d’entamer les projets que rien ne se passera jamais comme prévu. 

C’est un frein pour beaucoup, j’ai choisi d’en faire une force, un terreau pour la créativité qui demande, certes, un investissement colossal, mais ouvre presque toujours la porte à d’immenses surprises. Pour moi qui suis habituée à l’univers du lycée, intervenir en collège était un grand défi. Je suis arrivée en classe avec des objectifs pédagogiques particulièrement audacieux. Parmi eux, celui d’aborder et de saisir la symbolique dans l’image. J’ai été forcée de redoubler d’imagination pour rendre les exercices ludiques. Et grâce à la confiance et l’appui des professeures, je repars avec une valise pleine d’outils à déployer ailleurs et la sensation que les élèves ont énormément appris. Odyssées d’ici est le résultat d’une grande expérimentation pour les élèves. Iels ont d’abord récolté et retranscrit des récits migratoires piochés dans leur entourage. Puis iels les ont lus et analysés en groupe et en ont dégagé des thématiques, des rythmes, des mots clés. Nous avons tenté de les faire sortir de l’illustration scolaire, chronologique et exhaustive en leur faisant choisir un “angle”. Les images qui accompagnent chaque récit résultent donc d’un vrai choix éditorial mené par les élèves. Iels ont ensuite fabriqué les images avec la contrainte de ne jamais pouvoir sortir de l’enceinte du collège. Enfin, iels ont pu aborder la scénographie en imaginant iels-mêmes la mise en scène de leurs photos au service du sens. Nous avons tenté de reproduire le plus fidèlement possible leurs projets. 

Ce type de travail est d’une grande difficulté pour des élèves de 4ème, iels peuvent être fier·es de l’avoir mené et d’avoir réalisé des images d’une telle qualité.
Odyssées d’ici est aussi le résultat d’une expérimentation pour le corps enseignant. Les professeures ont dû s’adapter en permanence, accepter de s’éloigner d’un cadre académique strict, laisser la place à l’incertitude, au flou de certaines consignes. Mais aussi laisser aux élèves une liberté qui existe peu au quotidien dans l’enceinte des établissements scolaires. Merci à elles pour cela. Dans cette exposition, nous mettons à disposition les textes qui ont constitué la matière première de ces mini-séries. Le visiteur peut faire le choix de les lire avant de visiter l’exposition ou bien de se laisser simplement aller à la poétique des images.

Dossier complet en téléchargement ICI.