En 2024-2025, cinq professeur·es du Lycée Léonard de Vinci m’ont proposé d’intervenir simultanément auprès de deux de leurs classes. L’objectif posé était d’accompagner les élèves sur plusieurs mois, dans une démarche de récit intime. La forme était libre, il s’agissait principalement de les aider à raconter et se raconter.

Le Lycée Léonard de Vinci est un terrain de jeu tout particulier pour l’artiste que je suis. Diversité des parcours de vie, des origines, des langues et des cultures, disparité des niveaux et des acquis au sein d’une même classe, faible mixité hommes/femmes… sont autant de spécifi cités qui peuvent être vues par certain·es comme un frein important à la transmission d’une pratique artistique.
Depuis ma toute première collaboration avec cet établissement, j’ai choisi non seulement d’en faire une force, mais aussi d’en faire le terreau qui vient nourrir la création artistique. Faire en sorte que chaque individualité, chaque singularité vienne nourrir un projet commun, une culture collective, est pour moi un enjeu majeur.

Dans ces classes, majoritairement composées de garçons adolescents issus de l’immigration, il est parfois difficile de raconter son histoire. Les raisons sont multiples et leur appartiennent. Concrètement, ils passent beaucoup de temps à répondre aux questions suivantes : comment t’appelles-tu ? Quel est ton âge ? D’où viens-tu ? Pourquoi et comment es-tu arrivé en France ? Quel métier souhaiterais-tu faire ? etc. etc. L’équipe pédagogique et moi sommes intimement convaincues qu’en faisant faire à ces jeunes un pas de côté, en les décentrant, nous pouvons les aider à élaborer et porter des récits convaincants et plus universels dans lesquels n’importe qui peut se reconnaître.

Le projet Je voulais capturer la beauté que mes yeux voyaient mené en 2024 au sein d’une classe d’élèves primo-arrivants d’UPE2A avait déjà créé la surprise en ne dévoilant plus seulement les récits migratoires concrets de ces jeunes mais en mettant en lumière le regard qu’ils portaient sur leur terre d’accueil, les repères qu’ils s’y construisaient et la manière dont ils pouvaient s’y projeter.

C’est en laissant la place à ce type de surprises que nous avons écrit et animé de concert, artiste et professeurs, les ateliers qui ont mené au travail qui vous est aujourd’hui exposé.

Cette exposition vous présente le résultat des expérimentations menées lors d’un atelier sur le conte avec la classe C1MIS2 et d’un atelier sur le portrait mené avec la classe C1AVMET. Les élèves ont participé activement à la création de toutes ces images, du concept à la prise de vue, en passant par les textes et les compositions. Ni eux ni nous n’avions idée du résultat attendu. Aucun objectif précis, si ce n’est celui de fabriquer de la matière, de tester et essayer. De cette matière, nous avons tiré une cohérence. La direction artistique de cette exposition est portée par l’artiste, mais aussi par les professeurs.

En acceptant d’exposer ce travail, les élèves n’acceptent pas seulement d’exposer leurs visages. Ils vous offrent quelque chose de leurs cultures et d’une forme de récit de soi qui, nous l’espérons, saura vous toucher.Je dédie ce travail joyeux ainsi que les suivants à Sofiia Boiarchenko, élève de AV1MET qui avait participé au projet Je voulais capturer la beauté que mes yeux voyaient en 2024 et nous a quittés cet été.

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